Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 janvier 2015 7 04 /01 /janvier /2015 10:31

Les polémiques enflent rapidement sur le net et j'aime bien aller rechercher des textes de l'antiquité pour contraster avec les techniques de communication modernes. Dans cet extrait, Aristote énumère les différents types de vie qui existent selon lui dont celle de la recherche de l'honneur.

Aristote, Ethique à Nicomaque, I, 3.

« Les hommes, et il ne faut pas s’en étonner, paraissent concevoir le bien et le bonheur d’après la vie qu’ils mènent. La foule et les gens les plus grossiers disent que c’est le plaisir : c’est la raison pour laquelle ils ont une préférence pour la vie de jouissance. C’est qu’en effet les principaux types de vie sont au nombre de trois : celle dont nous venons de parler, la vie politique, et en troisième lieu la vie contemplative. — La foule se montre véritablement d’une bassesse d’esclave en optant pour une vie bestiale, mais elle trouve son excuse dans le fait que beaucoup de ceux qui appartiennent à la classe dirigeante ont les mêmes goûts qu’un Sardanapale. — Les gens cultivés, et qui aiment la vie active, préfèrent l’honneur, car c’est là, à tout prendre la fin de la vie politique. Mais l’honneur apparaît comme une chose trop superficielle pour être l’objet cherché, car, de l’avis général, il dépend plutôt de ceux qui honorent que de celui qui est honoré ; or nous savons d’instinct que le bien est quelque chose de personnel à chacun et qu’on peut difficilement nous ravir. En outre, il semble bien que l’on poursuit l’honneur en vue seulement de se persuader de son propre mérite ; en tout cas, on cherche à être honoré par les hommes sensés et auprès de ceux dont on est connu, et on veut l’être pour son excellence. Il est clair, dans ces conditions, que, tout au moins aux yeux de ceux qui agissent ainsi, la vertu l’emporte sur l’honneur. Peut-être pourrait-on aussi supposer que c’est la vertu plutôt que l’honneur qui est la fin de la vie politique. Mais la vertu apparaît bien, elle aussi, insuffisante, car il peut se faire, semble-t-il, que, possédant la vertu, on passe sa vie entière à dormir ou à ne rien faire, ou même, bien plus, à supporter les plus grands maux et les pires infortunes. Or nul ne saurait déclarer heureux l’homme vivant ainsi, à moins de vouloir maintenir à tout prix une thèse. Mais sur ce sujet en voilà assez (il a été suffisamment traité, même dans les discussions courantes).

Le troisième genre de vie, c’est la vie contemplative, dont nous entreprendrons l’examen par la suite.

Quant à la vie de l’homme d’affaires c’est une vie de contrainte, et la richesse n’est évidemment pas le bien que nous cherchons : c’est seulement une chose utile, un moyen en vue d’une autre chose. Aussi vaudrait-il encore mieux prendre pour fins celles dont nous avons parlé précédemment, puisqu’elles sont aimées pour elles-mêmes. Mais il est manifeste que ce ne sont pas non plus ces fins-là, en dépit de
nombreux arguments qu’on a répandus en leur faveur. »

Je crois que depuis l'Antiquité la nature humaine est restée constante, la foule recherche le plaisir, les hommes d'affaire l'argent; et l'honneur reste superficiel... La légion d'honneur quelles que soient les procédures et critères qui amènent à la délivrer est secondaire. On peut alors se demander si Thomas Piketty mène une vie contemplative moderne ?

Aujourd'hui, son travail vise à expliquer et réduire les inégalités et son refus de la décoration peut laisser à penser qu'il agit avec un véritable engagement. Ce raisonnement est un peu simpliste et on pourrait l'appliquer à BHL... à la différence que ce dernier a toujours décliné la légion d'honneur avant de la recevoir. J'attends de voir dans la durée si sa position sera toujours cohérente et vertueuse.

Partager cet article
Repost0

commentaires