Cet article est la suite de la partie 1 où je parle du régime social des indépendants.
Dans un soucis affiché de maîtrise des coûts, les grandes entreprises ont depuis longtemps mis en place des appels d'offres de sous-traitance pour des prestations de type régie. D'où la question qu'est que la régie ?
Un client a parfois des besoins exceptionnels: il lui arrive alors d'avoir recourt au CDD, à l'intérim ou bien à une prestation de régie. Dans ce dernier cas, la société fait alors appel à une société tierce qui met à disposition un de ses salariés en CDI, un exemple donc de "flexisécurité" (parfois il s'agit un freelance ou encore d'un sous-traitant du sous-traitant).
La régie comporte plusieurs avantages pour le client. La prestation n'est pas comptabilisée dans les salariés et ne l'engage que pour la durée du contrat, le budget est plus facile à débloquer. En cas de rachat de la société ou d'investissement en bourse, le nouvel actionnaire regarde attentivement la masse salariale, la régie est sur une ligne à part. Contrairement au CDD ou à l'intérim, l'intervenant n'est pas rattaché par un contrat de travail à la société cliente, le sous-traitant ayant des conventions collectives ou des accords moins avantageux que la société cliente, c'est un gain de productivité. Quand un poste est usant, une régie est particulièrement adaptée car l'intervenant est temporaire. Finalement l'avantage le plus important, tous les 4 ou 5 ans, il faut répondre à un appel d'offre pour pouvoir faire partie des sociétés éligibles à la régie.
Le client établit la liste des postes en interne et met en concurrence les sous-traitants pour obtenir des prix maîtrisés. Seules les grosses sociétés de sous-traitance sont au final retenues mais ça ne leur garantit pas un euro. En effet, lorsqu'un manager aura un budget pour un poste en interne, il va utiliser un outil pour le faire connaître à l'ensemble des sociétés éligibles, elles devront alors proposer des CVs et négocier le tarif final(l'appel d'offre ne fixe que des fourchettes), la société est une nouvelle fois en concurrence avec les autres.
Ce schéma fontionne correctement en temps normal mais s'écroule par temps de crise.
L'actionnaire veut maintenir ses marges. La société cliente décide alors d'ignorer son appel d'offre et contraindre les sous-traitants à baisser leurs tarifs. Ces derniers peuvent toujours refuser mais leurs candidats seront difficilement retenus.
Chez le sous-traitant, la source principale du coût, c'est le salaire. Il va alors chercher à diminuer sa propre masse salariale en gelant les augmentations, en embauchant au dessous du marché, en poussant au départ les plus gros salaires ou en sous-traitant à encore moins cher. Dans ce dernier cas, certains proposent à leurs salariés de démissionner et de se mettre en autoentrepreneur, ils proposent un premier contrat court (2 mois) avec un bonne marge. Si le salarié accepte, il a de grandes chances qu'au deuxième contrat, le prix soit revu significativement à la baisse souvent sous l'argument que le client demande une baisse du tarif (ce qui est vrai), il est alors inexpérimenté en tant qu'entrepreneur en période de crise et il a perdu son droit au chômage. Il a peur. Généralement, il cède et à chaque renouvellement, il devra baisser son tarif.
création d'entreprise (source INSEE, Sirene)
On le voit clairement sur ce graphique, la mise en place du régime autoentrepreneur a été décidée au moment où la création d'entreprises s'effondrait. A l'époque, l'insee ne publiait pas les chiffres séparément: on avait une sensation de formidable rebond.
Tous les autoentrepreneurs ne sont pas bien sûr dans la situation évoquée ci-dessus. Ils sont en revanche moins préparés que les autres à affronter la tension du marché. Cette difficulté de création de société me semble utile pour filtrer ceux qui ont une chance de surive à moyen terme. Ils perturbent le marché car ils prennent des postes à tarifs réduit. Et c'est là toute la question, ces postes améliorent-il au final les chiffres du chômage ? Une chose est certaine, ils sont profitables aux actionnaires.
Les indépendants râlent souvent sur le taux de taxe en France mais à bien y regarder, il est quasi équivalent à celui des voisins et la plus grande perte de revenus provient surtout des pratiques concurrentielles générées par la crise.